Hé ben dis donc, chaud devant

On peut pas dire que le sujet n'échauffe pas les esprits. Après quelques posts qui débordent je me permet de recentrer en essayant de synthétiser un peu ce que j'ai lu :
En gros deux points de vues sont irréconciliables, chacun en appelant à sa maitrise professionnelle et à ses compétences extrêmes pour justifier ses positions.
Le premier prétend que la partie visible d'un site, faisant intégralement partie du contenu, ne peut ni ne doit être dissociée ni modifiée, et que la dégrader est atteindre à l'intégrité du contenu et à la volonté de l'auteur. De ce point de vue peuvent (ou devraient ?) coexister plusieurs types de sites, certains absolument inaccessibles, non-interopérables, non-réutilisables sous d'autres conditions, etc, et d'autres plus conformes aux recommandations et normes, et choisir de faire l'un ou l'autre (ou plutôt plus ou moins l'un ou plus ou moins l'autre) dépend des intérêts du client et de son public-cible, quitte à exclure les autres publics non-destinataires.
L'autre point de vue prétend que la partie visible d'un site n'est qu'une couche parmi d'autres et qu'on devrait, du moins en théorie, ou pour plus tard, pouvoir s'en passer partiellement ou complètement sans que cela nuise à l'utilisation/consultation du site, arguant que le développement d'outils et de fonctionnalités à venir permettra de toute façon à qui le voudra de le faire sans demander l'avis de personne.
J'avoue que je n'arrive pas à voir où ces points de vues sont irréconciliables : je reconnais la validité du point de vue disant qu'un site web doit avoir une identité graphique. Mais je ne vois pas en quoi non plus permettre à quelqu'un de s'en passer nuise au site ? Qu'il ait une identité visuelle forte pour qui en a envie, et que celui qui n'en veut pas, quelles que soient ses raisons, puisse s'en passer ne gêne en rien : de toute façon les outils le permettront de plus en plus. Je ne vois donc pas en quoi c'est problématique pour qui que ce soit.
Parlons bizness : qu'est-ce qui intéresse un client qui investit dans ce média ? ramener des clients, donc du CA. Entre ramener 100 clients qui ont adhéré au produit ou au service parce qu'un environnement graphique les a séduit, et en ramener 105 parce parmi eux il y en a 5 qui (pour mille raisons) n'ont pas voulu ou pas pu accéder au design du site, où est le problème et où est l'intérêt du client ? Qu'en revanche il perde ces 5 acheteurs potentiels juste pour une raison d'inséparabilité des couches aspectuelles me semble, en terme de marketing, une aberrration.
Maintenant la question est : ces 5 acheteurs potentiels supplémentaires, à quel prix les achète t'il ? C'est là qu'intervient une double notion, celle de CAC (coût acquisition client/contact) et celle de "barre de déperdition".
Si le surcoût pour ramener ces acheteurs potentiels est inférieur au CA (marge plus exactement) qu'ils génèrent alors oui, la démarche est cohérente. Pour revenir à Audi je crois sincèrement qu'à effet graphique quasi identique une version DHTML aurait largement été payée par un dixième du quart d'une seule demi-vente de voiture supplémentaire. Là, l'argument économique ne tient pas, désolé.
Dans le cas inverse d'un site à produit à faible valeur ajoutée (genre trucs à 5 euros) c'est l'effet de masse qui joue : la masse critique de rentabilité se joue à la masse de visiteurs qui deviennent acheteurs. Logiquement là aussi, accroitre l'accessibilité/interopérabilité du site est accroitre le potentiel acheteurs.
La démonstration de surcoût injustifié serait donc éventuellement valide pour des paniers moyens tournant autour d'un seuil tel que l'accroissement de clientèle ne suffirait pas, en terme de marges générées, à couvrir la créa/maintenance/gestion du site. C'est là qu'intervient la "barre de déperdition" : elle dit qu'il existe toujours, pour tout utilisateur, un seuil au delà duquel le contenu est inutilisable. Toute la question est : où veut-on placer cette barre ? Exemple de barre très haute : un site qui ne serait consultable/utilisable qu'à partir d'un écran de 2400px avec un plugin payant (très cher) obligatoire, une carte graphique de moins de 15 jours et un processeur subatomique. A l'inverse, un site passe partout, sur toute résol, avec toutes sortes d'outils, etc. propose une barre de déperdition placée très bas. Cette barre de déperdition exprime en pourcentage le nombre d'utilisateurs potentiels qui
voudraient mais ne
peuvent pas.
Pour en revenir au panier moyen qui ferait que l'investissement serait disproportionné (ratio retours/investissement négatif) la question est qu'on ne peut pas déterminer sa barre de déperdition tolérable (ratio visiteurs/perte) autrement qu'en échantillonnant les publics selon des stats ultra précises : pour pouvoir dire
à quel niveau arrêter l'investissement au regard d'une
garantie de retours (ratio positif) il faudrait pouvoir déterminer très exactement à partir de quel seuil la barre montée d'un cran n'a plus d'incidence, la
totalité potentielle des acheteurs étant atteinte (mettre un euro de plus est perdre un euro). Et ça, à ma connaissance on n'en a pas encore les moyens pour la raison que les outils changent, les pratiques du web changent, les habitudes de consommation changent, etc. Il n'existe pas, toujours à ma connaissance, dans la panoplie du webmarketeur, d'outil (autre qu'empirique) permettant de décider où doit passer ce seuil et affirmant, preuve à l'appui, qu'on peut arrêter l'accès possible au contenu du site à tel ou tel stade parce que
son public potentiel est intégralement atteint (je parle de sites grand public ouverts à tous).
Il n'existe donc de mon point de vue aucune attitude économiquement cohérente permettant de dire que se priver volontairement d'un nombre X de clients/acheteurs possibles (au prétexte d'un surinvestissement) soit une stratégie gagnante, puisque le surinvestissement est au mieux inférieur aux retours, et au pire quasiment inévaluable. Donc autant faire en sorte que l'accès se facilite et se généralise en redescendant la barre de déperdition. Au pire c'est une stratégie neutre (faute d'évaluation possible), au mieux c'est la plus optimale en l'absence de toute autre méthode pour en bâtir une meilleure.
Donc, de retour à notre question, je ne comprends toujours pas pourquoi vouloir absolument se priver de visiteurs ? et ça ne sert à rien de m'envoyer des "oui mais nous en agence de pros" etc, je connais tout ça

Dites plutôt sur quel outil webmarketing vous vous appuyez, ça fera avancer le débat.
Modifié par Arsene (08 Oct 2008 - 20:45)