Je reviens vite fait sur la proposition de Mabelle d'ouvrir un salon consacré à la créa graphique en développant un peu quelques réflexions nées au fil des réponses des uns et des autres. Comme on s'éloigne un peu de la question de départ autant créer un nouveau fil.
Après le web 1.0 des années 90-2000 où l'internaute ne pouvait intervenir ni sur le contenu ni sur l'aspect, est apparue au début du siècle l'ère du web 2.0 et des UGC (user-generated contents) où cette fois le contenu des sites/blogs, non-fixé, est simultanément produit par les auteurs et par les utilisateurs. Autant les réalisateurs de sites (graphistes, designers, webmasters) ont activement et massivement accompagné le mouvement (l'explosion d'Ajax en témoigne) parce qu'il ne remettait pas en question leurs prérogatives (maintenir et contrôler la forme/aspect) autant l'émergence d'un web s'affranchissant de ce contrôle (disons un genre de web 3.0 pour aller vite) est perçue comme un danger.
La mise en page, le graphisme, l'aspect final, la forme des choses auraient-ils vocation à être le dernier bastion imprenable dans la course du média vers sa maturité ? Alors que depuis longtemps les producteurs de contenus (journalistes, universitaires, photographes, artistes, etc.) ont appris et accepté - parfois sous la contrainte économique et technologique - que s'arcbouter sur une pseudo-légitimité à se maintenir comme seul producteur autorisé possible était aberrant, voilà que maintenant ce serait à notre tour de défendre cette attitude archaïque tout aussi aberrante ?
On se souvient à l'époque des arguments pour s'opposer à cette vision du web collaboratif/participatif (trop de fautes de grammaire et d'orthographe / aucune maitrise de la structuration d'un écrit / méconnaissance des règles d'écriture / perte globale de qualité / etc). Ceux entendus aujourd'hui (la forme est indissociable du fond / c'est elle qui in fine l'organise en sens / la sémantique web est insuffisante à porter seule un sens complexe / etc) me paraissent relever de la même résistance...
Comme il n'y a jamais eu de web 1.0 ni de web 2.0, il n'y aura donc jamais de web 3.0, sauf dans les boites à outils conceptuels de petits revendeurs de produits web à la sauvette sans grande imagination. Il y a eu en revanche un pré-pré-web, suivi d'un pré-web. Reste à fabriquer un web mature et cohérent en tant que média. Le web sera mature et cohérent quand il sera débarassé des savoir-faire hérités d'autres médias antérieurs dont il n'a que faire. Si le contrôle de la mise en forme est nécessaire et impératif pour un accès et une utilisation correcte et complète de l'information sur un média imprimé, il est en revanche un frein pour le web. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut plus de mise en page, ça veut dire qu'elle ne doit porter aucune information cruciale et qu'on doit pouvoir s'en passer tout comme on peut se passer d'un script. Conditionner l'accès et l'utilisation d'une info à l'aspect qu'elle prend est contraire à la règle de séparation entre contenus et formes.
Si une info passe par de la couleur, ce n'est plus du web (lire les Wcag). Si une info est accessible et utilisable quelle que soit sa couleur alors cette couleur peut être changée par l'utilisateur si il en a envie. Si cela ne change rien pour l'auteur de l'info, ça peut en revanche tout changer pour l'internaute. Et ce qui est valable pour la couleur est valable pour le reste : il y a clairement d'un côté ce qui relève du contenu (l'info distribuée) et de l'autre son emballage ; on ne peut ni ne doit confondre l'un avec l'autre. Si l'info distribuée (texte, image) est insuffisante à porter seule son sens c'est que le texte est mal écrit, ou que l'image est mal choisie ou mal utilisée, ou etc. Ce n'est pas surajoutant un sens porté par "l'emballage visuel" qu'on palliera aux faiblesses de conception : c'est en travaillant les contenus à la base, loin en amont.
Le dernier bastion à faire tomber est celui de l'aspect. La preuve ? Lequel d'entre vous (professionnel s'entend) n'a jamais été confronté à un appel d'offre portant entre autres sur l'obligation de répondre à tel ou tel critère (accessibilité par ex) alors que le choix du prestataire se fait sur un visuel. L'immaturité des clients (demander quelque chose sans capacité à l'évaluer en retour) fait qu'ils se rabattent sur ce qu'ils peuvent contrôler, le graphisme, parce que pendant des années on leur a pris la tête avec nos notions de mises en page, de lisibilité, de confort de lecture, de relation textes/images, de charte graphique, de rôle des couleurs, etc. Pourquoi s'étonner après si ils réagissent sur un projet web de la même façon que sur un projet papier ?
a+
EDIT : et tant qu'on y est, tiens, un petit extrait de Ian Jacobs (W3C / UAAG)
Ce n'est pas tant les éditeurs de logiciels qui vont être difficiles à convaincre, car de plus en plus de pays imposent des normes qui vont dans notre sens, mais plutôt les développeurs de site. De manière générale, au bout d'une journée d'explication, nous arrivons à leur faire passer le message. Je ne sais pas si WAI implique un changement radical dans leur travail au quotidien mais il est certain que cette norme ne va pas sans engendrer des changement culturels auxquels, pour l'instant, la majorité des sociétés commerciales sont peu sensibles.
Modifié par Arsene (22 Sep 2008 - 17:52)
Après le web 1.0 des années 90-2000 où l'internaute ne pouvait intervenir ni sur le contenu ni sur l'aspect, est apparue au début du siècle l'ère du web 2.0 et des UGC (user-generated contents) où cette fois le contenu des sites/blogs, non-fixé, est simultanément produit par les auteurs et par les utilisateurs. Autant les réalisateurs de sites (graphistes, designers, webmasters) ont activement et massivement accompagné le mouvement (l'explosion d'Ajax en témoigne) parce qu'il ne remettait pas en question leurs prérogatives (maintenir et contrôler la forme/aspect) autant l'émergence d'un web s'affranchissant de ce contrôle (disons un genre de web 3.0 pour aller vite) est perçue comme un danger.
La mise en page, le graphisme, l'aspect final, la forme des choses auraient-ils vocation à être le dernier bastion imprenable dans la course du média vers sa maturité ? Alors que depuis longtemps les producteurs de contenus (journalistes, universitaires, photographes, artistes, etc.) ont appris et accepté - parfois sous la contrainte économique et technologique - que s'arcbouter sur une pseudo-légitimité à se maintenir comme seul producteur autorisé possible était aberrant, voilà que maintenant ce serait à notre tour de défendre cette attitude archaïque tout aussi aberrante ?
On se souvient à l'époque des arguments pour s'opposer à cette vision du web collaboratif/participatif (trop de fautes de grammaire et d'orthographe / aucune maitrise de la structuration d'un écrit / méconnaissance des règles d'écriture / perte globale de qualité / etc). Ceux entendus aujourd'hui (la forme est indissociable du fond / c'est elle qui in fine l'organise en sens / la sémantique web est insuffisante à porter seule un sens complexe / etc) me paraissent relever de la même résistance...
Comme il n'y a jamais eu de web 1.0 ni de web 2.0, il n'y aura donc jamais de web 3.0, sauf dans les boites à outils conceptuels de petits revendeurs de produits web à la sauvette sans grande imagination. Il y a eu en revanche un pré-pré-web, suivi d'un pré-web. Reste à fabriquer un web mature et cohérent en tant que média. Le web sera mature et cohérent quand il sera débarassé des savoir-faire hérités d'autres médias antérieurs dont il n'a que faire. Si le contrôle de la mise en forme est nécessaire et impératif pour un accès et une utilisation correcte et complète de l'information sur un média imprimé, il est en revanche un frein pour le web. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut plus de mise en page, ça veut dire qu'elle ne doit porter aucune information cruciale et qu'on doit pouvoir s'en passer tout comme on peut se passer d'un script. Conditionner l'accès et l'utilisation d'une info à l'aspect qu'elle prend est contraire à la règle de séparation entre contenus et formes.
Si une info passe par de la couleur, ce n'est plus du web (lire les Wcag). Si une info est accessible et utilisable quelle que soit sa couleur alors cette couleur peut être changée par l'utilisateur si il en a envie. Si cela ne change rien pour l'auteur de l'info, ça peut en revanche tout changer pour l'internaute. Et ce qui est valable pour la couleur est valable pour le reste : il y a clairement d'un côté ce qui relève du contenu (l'info distribuée) et de l'autre son emballage ; on ne peut ni ne doit confondre l'un avec l'autre. Si l'info distribuée (texte, image) est insuffisante à porter seule son sens c'est que le texte est mal écrit, ou que l'image est mal choisie ou mal utilisée, ou etc. Ce n'est pas surajoutant un sens porté par "l'emballage visuel" qu'on palliera aux faiblesses de conception : c'est en travaillant les contenus à la base, loin en amont.
Le dernier bastion à faire tomber est celui de l'aspect. La preuve ? Lequel d'entre vous (professionnel s'entend) n'a jamais été confronté à un appel d'offre portant entre autres sur l'obligation de répondre à tel ou tel critère (accessibilité par ex) alors que le choix du prestataire se fait sur un visuel. L'immaturité des clients (demander quelque chose sans capacité à l'évaluer en retour) fait qu'ils se rabattent sur ce qu'ils peuvent contrôler, le graphisme, parce que pendant des années on leur a pris la tête avec nos notions de mises en page, de lisibilité, de confort de lecture, de relation textes/images, de charte graphique, de rôle des couleurs, etc. Pourquoi s'étonner après si ils réagissent sur un projet web de la même façon que sur un projet papier ?
a+
EDIT : et tant qu'on y est, tiens, un petit extrait de Ian Jacobs (W3C / UAAG)
Ce n'est pas tant les éditeurs de logiciels qui vont être difficiles à convaincre, car de plus en plus de pays imposent des normes qui vont dans notre sens, mais plutôt les développeurs de site. De manière générale, au bout d'une journée d'explication, nous arrivons à leur faire passer le message. Je ne sais pas si WAI implique un changement radical dans leur travail au quotidien mais il est certain que cette norme ne va pas sans engendrer des changement culturels auxquels, pour l'instant, la majorité des sociétés commerciales sont peu sensibles.
Modifié par Arsene (22 Sep 2008 - 17:52)