5177 sujets

Le Bar du forum

Bonjour à tous,
http://www.drouillat.com/2009/06/03/ce-que-mc-luhan-apporte-a-la-comprehension-des-media-electroniques/
Un article intéressant sur ce que Mc Luhan analyse dans notre rapport au média même si on peut voir dans certaines de ses théories des idées un peu fumeuses qui peuvent laisser perplexe.

a écrit :
Notre nouvelle technologie électrique a une tendance organique et non mécanique parce qu’elle prolonge non pas nos yeux mais notre système nerveux central.

Autrement dit il se produirait en nous une forme d'évolution anthropologique dans notre rapport à l'outil, ce qui n'est pas rien. En tous cas, je crois que l'impact sur le système nerveux (comme il peut en avoir sur les enfants qui regardent souvent trop la télé) est bien réel.
D'ailleurs je ne sais pas si ça vient précisément de l'immobilité qu'implique le travail sur ordinateur ou ce que provoque le rapport à l'ordinateur mais j'ai remarqué personnellement avoir perdu en agilité depuis 10/15ans (même en me concentrant je ne suis même plus capable de servir au tennis sans avoir à lancer la balle plusieurs fois, une véritable catastrophe Smiley fache ) par exemple.
Vous me direz, ça vient tout simplement d'un manque de pratique, et ben non même après un peu d'entrainement, je vois bien qu'il y a quelque chose de difficilement réparable. Smiley ohwell

D'autre part, pour la plupart d'entre nous, nous avons tellement intégré et intériorisé notre rapport à l'outil qu'il semble d'autant plus difficile aujourd'hui de prendre le recul suffisant pour repenser avec beaucoup d'acuité et de clairvoyance notre rapport à celui-ci.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sujet... mais je voulais avoir votre sentiment là-dessus.
Modifié par Hermann (09 Jan 2010 - 23:07)
Salut Hermann, ça fait longtemps Smiley smile

Ben moi (pour changer) je ne suis pas d'accord avec ça. D'abord McLuhan est un spécialiste des lapalissades fumeuses (genre "Personne ne réclame d’automobile tant qu’elle n’existe pas, personne ne s’intéresse à la télévision tant qu’il n’y a pas d’émissions. Le pouvoir qu’a la technologie de créer sa propre demande n’est pas étranger au fait qu’elle est avant tout un prolongement de notre corps et de nos sens" qui est complètement gratuit puisque 1) c'est vrai de TOUT - on ne l'exige pas avant que ça existe - et 2) tout outil est prolongement du corps et des sens) ou encore son fameux "medium is message" qui est probablement la poncif le plus éculé du XXe siècle. C'était peut-être vrai il y a 100 ans mais la techno moderne a justement interverti tout ça...
L'idée de McLuhan ("la dimension pragmatique que revêt la forme des média, influant directement sur le sens de leur contenu" comme le résume l'auteur de l'article) est que *la forme que prend le message* (le medium utilisé) est l'essence même du message (son sens). En gros, pour expliquer ça, on peut prendre l'exemple de l'ordre donné (genre texte de loi promulgué) : à l'époque de l'oralité l'ordre est transmis de bouche à oreille, il est donc déformé, réinterprété, etc. Avec l'écrit, l'ordre est le même sur tout le parcours. Il ya donc une permanence du medium (la forme ne change pas) qui a comme conséquence que *c'est parce qu'il est écrit* (et donc intangible) que l'ordre en est un : il est indiscutable et on doit s'y soumettre non pas *par ce qui est dit* (ça n'a d'importance que factuellement) mais parce que c'est un objet intangible qui valide, de par sa non-modification, *l'emprise de l'émetteur sur le territoire couvert par l'ordre*. C'est donc *sa forme* qui garantit que c'est un ordre... et donc par conséquent le concept "être un ordre" (le sens de cette chose) réside au fond dans l'objet, et non dans ce qu'il contient. Donc le medium est bien le message. C'est bien ainsi que McLuhan l'expose.
Tout l'intérêt du numérique est que, justement, plus ça va et plus le contenu est capable de prendre la forme que l'utilisateur souhaitera lui donner. On perd donc immédiatement la relation forme(medium)/sens(message) qui fondait la logique même de McLuhan.
Et donc affirmer, comme le fait l'auteur de l'article, que "Ses théories sont encore en grande partie d’actualité au regard des média électroniques" montre que l'un de ous deux n'a rien compris à la pensée de McLuhan, parce qu'elle est tout ce qu'on veut (brillante, etc.) SAUF adaptée à la modernité numérique, à cause de la dissociation qu'il n'a pas su percevoir entre medium et message, entre contenu numérique et restitutions multiples.

(edit : tiens c'est marrant de lire ça : "Je trouve que sa grande force était d’être un système de pensée dynamique, sans a priori culturel" juste au moment où on embaume un structuraliste Smiley cligne Faut oser quand même...)
Modifié par Arsene (13 Nov 2009 - 17:08)
Arsene a écrit :
«un système de pensée (...) sans a priori culturel»

Elle est chiadée celle-là. Champion du monde.
Bonjour Arsene,
merci pour l'explication détaillée de sa fameuse théorie, pour ma part je l'avais compris sous un autre angle (plus contextuel)...

a écrit :
Et donc affirmer, comme le fait l'auteur de l'article, que "Ses théories sont encore en grande partie d’actualité au regard des média électroniques" montre que l'un de ous deux n'a rien compris à la pensée de McLuhan, parce qu'elle est tout ce qu'on veut (brillante, etc.) SAUF adaptée à la modernité numérique, à cause de la dissociation qu'il n'a pas su percevoir entre médium et message, entre contenu numérique et restitutions multiples.

Effectivement, mais sa théorie datant de 1968, il aurait eu du mal à prophétiser sur quelque chose qui n''existait pas et surtout quelque chose d'aussi évolutif et changeant (et donc imprévisible) que la technologie; après comme je n'ai pas lu son bouquin je pourrai pas t'en dire d'avantage.
Désolé de ne pas développer plus que ça, j'ai la tête ailleurs aujourd'hui...

Bon dimanche
Modifié par Hermann (15 Nov 2009 - 11:46)
Hermann a écrit :

Autrement dit il se produirait en nous une forme d'évolution anthropologique dans notre rapport à l'outil, ce qui n'est pas rien. En tous cas, je crois que l'impact sur le système nerveux (comme il peut en avoir sur les enfants qui regardent souvent trop la télé) est bien réel.


Bonjour.

L'évolution anthropologique, j'y crois moyen, par contre une expérience toute bête me permet de confirmer l'impact sur le système nerveux, en tout cas sur le mien :
- se lever de son bureau et faire autre chose 5 minutes. Avoir la pêche, des idées et des envies plein la tête.
- se rasseoir devant l'ordi. S'apercevoir au bout de 2 minutes qu'on n'a plus envie de rien, procrastiner et ruminer.

Va falloir que je change de métier, c'est urgent... Smiley sweatdrop
Modifié par Lanza (19 Nov 2009 - 15:57)
Salut Lanza Smiley cligne
Lanza a écrit :

L'évolution anthropologique, j'y crois moyen,

C'est un vaste sujet complexe mais passionnant qui ne se réduit heureusement pas à ça.
Malgré mes faibles connaissance en la matière, si on s'en tient à notre rapport au temps, à l'espace, au réel, à notre corps, notre identité, au monde, à notre intériorité (à notre psychisme plus généralement), à une conception de l'homme, de la civilisation et peut-être encore à d'autres aspects, je suis persuadé que nous sommes entrain de subir une mutation anthropologique majeure.

Lanza a écrit :

par contre une expérience toute bête me permet de confirmer l'impact sur le système nerveux, en tout cas sur le mien :
- se lever de son bureau et faire autre chose 5 minutes. Avoir la pêche, des idées et des envies plein la tête.
- se rasseoir devant l'ordi. S'apercevoir au bout de 2 minutes qu'on n'a plus envie de rien, procrastiner et ruminer.

Si ça peut te rassurer ça m'arrive aussi Smiley cligne Mais là tu ferais plutôt référence au désir (comme volonté) Lanza. Pour les causes exactes, faudrait demander à un psy Smiley cligne
Peut-être que comme le désir que tu as dans le réel est remplacé devant l'écran par la satisfaction immédiate d'une multitude de "désirs", la résistance qu'implique l'accomplissement du désirs que tu avais éprouvé dans le réel te parait difficilement surmontable, puisque le réel c'est ce qui nous résiste.
J'ai un problème un peu similaire au tiens, à savoir un manque de motivation et constance dans l'accomplissement des tâches... avec la désagréable sensation qu'après un moment passé devant l'écran, un temps assez long de réadaptation émotionnelle au réel est nécessaire avant de pouvoir de nouveau apprécier l'épaisseur du vécu.

Lanza a écrit :

Va falloir que je change de métier, c'est urgent... Smiley sweatdrop

Oui je me dis ça aussi (sans l'urgence) mais malgré tous ce que je viens de dire, je parviens à travailler encore à peu prés correctement...
Modifié par Hermann (21 Nov 2009 - 03:01)
Aïe. Je n'avais pas prévu de réfléchir aujourd'hui, mais là c'est parti. Smiley biggol

Hermann a écrit :
C'est un vaste sujet complexe mais passionnant qui ne se réduit heureusement pas à ça.
Malgré mes faibles connaissance en la matière, si on s'en tient à notre rapport au temps, à l'espace, au réel, à notre corps, notre identité, au monde, à notre intériorité (à notre psychisme plus généralement), à une conception de l'homme, de la civilisation et peut-être encore à d'autres aspects, je suis persuadé que nous sommes entrain de subir une mutation anthropologique majeure.


Je ne parviens pas à m'en convaincre. Certes, à court et moyen terme, ce que tu dis est vrai. Mais tout ça repose sur des outils qui ont une durée de vie extrêmement courte, et un savoir très pointu. A ce titre ça me paraît très fragile pour une mutation majeure.
Que ce passerait-il si on devait, pour une raison ou pour une autre (guerre, pénurie de matière première, tout ça...), faire une pause de, disons, 30 à 50 ans ? Pourra-t-on reprendre les choses là où on les aura laissées ?

Quant à mon désir... Autre vaste sujet, mais éminemment personnel. En gros, après 25 ans passés devant un écran, j'ai fini par commencer à comprendre comment on faisait pour interagir avec les gens autour de soi, et découvrir que la relation humaine est beaucoup plus plaisante que n'importe lequel des désirs que je puis satisfaire devant mon écran. Ça doit être la crise de la trentaine. Smiley lol

Et je constate, autour de moi, que le net est un formidable refuge pour handicapés sociaux de tout genre. Les premiers mutants ? Smiley sweatdrop

Edit : j'ai encore réfléchi et élargi un peu le champ, et effectivement, il y a un truc. Ne serait-ce que parce que le confort que nous a apporté la société de consommation est en train de redéfinir les rôles ancestraux de l'homme et de la femme. (Ne pas y voir de jugement de valeur, merci.)
Modifié par Lanza (21 Nov 2009 - 12:31)
Lanza a écrit :
Et je constate, autour de moi, que le net est un formidable refuge pour handicapés sociaux de tout genre. Les premiers mutants ? Smiley sweatdrop


Généralement encore capables d'interagir suffisamment avec la société pour se faire livrer une pizza, ce qui est plutôt signe d'une excellente intégration et maîtrise de la chose. Quand ils se laisseront réellement mourrir de faim, on pourra envisager l'existence d'un éventuel et léger handicap.
Si on gratte un peu au delà de la pizza, beaucoup cherchent à se faire livrer une demoiselle (car force est de reconnaître que cette population est à forte dominante masculine, mais l'inverse marche aussi... quoique...), et n'y parviennent pas. Smiley lol
Lanza a écrit :
Je ne parviens pas à m'en convaincre. Certes, à court et moyen terme, ce que tu dis est vrai. Mais tout ça repose sur des outils qui ont une durée de vie extrêmement courte, et un savoir très pointu. A ce titre ça me paraît très fragile pour une mutation majeure.
Que ce passerait-il si on devait, pour une raison ou pour une autre (guerre, pénurie de matière première, tout ça...), faire une pause de, disons, 30 à 50 ans ? Pourra-t-on reprendre les choses là où on les aura laissées ?

Bien sûr ce que j'affirme n'engage que moi et le qualificatif "majeure" est peut-être complètement inapproprié ou excessif pour les spécialistes de la discipline. Elle est selon moi majeure dans le sens ou elle toucherait tous les aspects que j'ai cités même si certaines mutations étaient déjà à l'œuvre lors du passage à la civilisation du livre, notamment dans notre rapport au monde.
Oui la "durée de vie" de l'ordinateur tel que nous le connaissons aujourd'hui sera peut-être très courte au regard des outils traditionnels mais le fait est que nous vivons une rupture brutale dans la conception classique de l'outil tel qu'on le concevait jusqu'ici, l'ordi et le net sont quand même un peu plus qu'un outil...

Lanza a écrit :
Quant à mon désir... Autre vaste sujet, mais éminemment personnel. En gros, après 25 ans passés devant un écran, j'ai fini par commencer à comprendre comment on faisait pour interagir avec les gens autour de soi, et découvrir que la relation humaine est beaucoup plus plaisante que n'importe lequel des désirs que je puis satisfaire devant mon écran. Ça doit être la crise de la trentaine. lol

D'un point de vue émotionnel, les relations humaines dans le réel sont incomparablement plus riches que n'importe quel contact virtuel, c'est évident. Le virtuel est aussi l'univers de la platitude émotionnelle et l'absence d'évènements. Quels souvenirs émotionnels et imaginaires gardes tu d'une journée passée devant l'écran? En général pas grand chose.
Je ne cite là que les aspects négatifs de notre expérience du médium...

a écrit :

Edit : j'ai encore réfléchi et élargi un peu le champ, et effectivement, il y a un truc. Ne serait-ce que parce que le confort que nous a apporté la société de consommation est en train de redéfinir les rôles ancestraux de l'homme et de la femme. (Ne pas y voir de jugement de valeur, merci.)

Tu m'excuseras mais je vois pas trop le lien avec le sujet de départ, d'ailleurs si tu pouvais préciser ta pensée... Smiley cligne
Modifié par Hermann (22 Nov 2009 - 21:07)